François Tirot, ancien Directeur général adjoint de l'EPA Sénart

 

J’aime à rappeler que l’EPA Sénart est investi de deux missions. L’aménagement est le coeur de notre métier et notre mission première. Nous l’exerçons dans l’espace et dans le temps : à une échelle significative - et non pas de façon morcelée sur quelques dizaines d’hectares - et de façon continue depuis des décennies, ce qui est très important. Notre deuxième mission est d’être un développeur, un prescripteur pour l’ensemble du territoire. Ce rôle a évolué. Alors que nous étions un « bras armé de l’État », et même si nous restons dépendants de lui, nous ne recevons plus de subvention aujourd’hui. Nous sommes une structure légère et agile, qui ne compte pas plus d’une cinquantaine de personnes. Et nous travaillons très clairement dans un dialogue permanent avec les collectivités territoriales. En 25 ans, je n’ai jamais vu un permis de construire signé par le Préfet contre l’avis d’un Maire et nos réalisations ne se heurtent presque jamais à un contentieux.

LE GARANT DU BIEN COMMUN

À l’heure où certains s’interrogent sur la spécificité et donc l’utilité d’un aménageur public, je veux rappeler qu’en conduisant la discussion avec les acteurs locaux, nous sommes le garant du bien
commun. Seul l’aménageur public intervient sur l’espace public, hors des opérations, entre les opérations, lui seul tisse le lien entre elles, les raccorde et leur donne sens, ce que ne peut pas
faire un promoteur. Notre action continue depuis 1973, dans un territoire particulier dont le développement s’est effectué à un rythme lent, comme l’explique Jean-Yves Hinard (cf. p. 13), nous a permis d’intégrer dans le temps des données sophistiquées et transversales à l’échelle du territoire et du paysage : la gestion de l’eau, les liaisons douces, la biodiversité… Ces éléments fondamentaux pour l’environnement nous permettent aujourd’hui d’être au rendez-vous de l’Histoire.

ÉTABLIR UNE COHÉRENCE

Dans un rayon situé entre 25 et 50 kilomètres de Notre-Dame de Paris qu’observe-t-on ? Des lotissements accolés aux villages, des châteaux, des bois, une mosaïque agricole, une multitude d’équipements industriels, d’entrepôts logistiques, des opérations XXL aussi… En majorité des éléments de toutes sortes, composites et morcelés, disposés sans lien les uns avec les autres et qui contribuent à déstructurer le paysage. Or la base, c’est une réflexion sur l’organisation de l’espace, une action de régulation qui évite l’aléatoire au gré des intérêts particuliers. J’ose dire que nous avons su éviter le désordre à ce territoire, le capharnaüm péri-urbain, pour trouver une cohérence. Le Carré Sénart en fait la démonstration. Il concentre le développement dans un lieu, lui donne de la valeur tout en évitant l’étalement urbain. Le Carré illustre aussi les vertus du préverdissement, des aménagements hydrauliques. Ce sera également le cas du Clos Saint-Louis à Dammarie-lès-Lys ou de Villaroche. Parce que l’on ne pose pas n’importe quoi n’importe où, la concentration et l’intégration au paysage confèrent  une valeur différenciée et positive à un site. C’est déjà le cas, par exemple, du parc A5-Sénart où l’EPA Sénart a financé une liaison de 1,5 km jusqu’à l’autoroute. Nous sommes vraiment là dans les missions de l’aménageur public.

UNITÉ N’EST PAS UNIFORMITÉ

L’unité d’un territoire n’est pas synonyme d’uniformité. Je tiens beaucoup à l’idée qu’il faut accepter la discontinuité, les ruptures, le changement. Ainsi faut-il sanctuariser des espaces entre deux opérations – sites naturels ou voies de liaisons – qui jouent un rôle capital. Il faut également s’ancrer sur la géographie, la géologie et l’histoire qui font la singularité du territoire. Les rives Ouest et Est de la Seine ne sont à cet égard pas identiques, l'Opération d'Intérêt National de Sénart s’est développée à l’Est dans cet esprit très contextualisé. 

 

AGIR À LA BONNE ÉCHELLE

Le territoire compte 125 000 habitants aujourd’hui, il pourrait en compter 1 million demain avec Évry et Melun. Il serait bénéfique de travailler à cette échelle pour peser dans les débats de la Métropole. Le niveau intercommunal permet d’amplifier le travail de l’aménageur, de lui donner sens. Car il faut, à l’avenir, continuer à relier les opérations entre elles, tisser des liens et des trames. Il faut continuer à planter des arbres et des prairies, à réaliser des plans d’eau et des liaisons piétons-vélos. Le développement durable ne pourra s’intégrer pleinement qu’à une échelle suffisamment vaste.

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